dans des rapports de tons qui procèdent d’un art où le peintre le dispute à l’architecte. Le meuble de métal se retrouve en bien des stands. On dirait que les Décorateurs du Salon, au Grand Palais, veulent devancer ceux de l’Union des Artistes Modernes. Peut-être n’est-il pas inutile de signaler quelques-uns des fabricants qui triomphent avec eux, et notamment « Labormetal qui a collaboré au grand salon de René Prou, à la Rotonde d’entrée, au hall d’Extension et d’échanges artistiques où l’on a tenu à rester dans la note du thème imposé aux expo-sants. Les réalisations en sont excellentes et conformes aux besoins du temps, aux nécessités de la matière. Robert Block a bien du talent. Sa grande maquette du Salon de réception du cercle de l’Union interalliée en témoi-gne, où les laques alternent avec les bois précieux. Mais quoi de plus charmant que le bureau de dame, délicat et discret, qu’il expose sans bruit? Suzanne Guiguichon et Henri Brochard présentent un cabinet de travail qui a le rare mérite d’inciter aux bonnes besognes. Il ne parait pas fait pour la « regardelle e comme disait ce héros d’Alphonse Daudet, mais pour s’offrir à notre labeur journalier. Nous nous y voyons très bien après à écrire un de ces livres qu’ils ont multipliés dans les rayons de leur bureau de macassar et auxquels le siècle a prêté si peu d’attention… Le décor est gai, délicat, intelligent. Nous y sommes comme chez nous. Peut-être aurions-nous plus de mal à vivre dans la cham-bre assez discutable de Pierre Petit, souvent mieux inspiré ; dans celle de Lucien Rollin, qui tire le métal un peu par les cheveux, si nous osons dire; dans les laques de Lahalle et Levard ; dans le bureau de Djo-Bourgeois, artiste clair et intelligent, mais qui semble se faire un jeu de ne pas finir ses ensembles. René Crevel expose une salle à manger qu’on a déjà vue trop souvent, avec un bar très banal. Il a fait mieux et peut faire beaucoup mieux encore. Léon Jallot reste égal à lui-même avec un studio-bibliothèque de dame plein de trouvailles heureuses. Le hall de réception de Maurice Jallot est d’une noble stature et comporte de belles parties de fer forgé signées Raymond Subes. Parmi les artistes dont les oeuvres parent son stand, Despiau et Derain : excusez du peu. P. P. Montagnac nomme « petit salon D, au catalogue, une pièce de grandes proportions dont les meubles sont, à l’accoutumée, magnifiques. Nous le félicitons de les avoir complétés d’un piano courant d’un bois tout à fait autre. Ainsi en est-il toujours dans la réalité des intérieurs français. Nous aurions mauvaise grâce de traiter en quelques mots d’un ensemble multiple où Dunand a fait valoir ses extra-ordinaires qualités de laqueur. Dunand vaut à lui seul un article, plusieurs articles, et nous espérons les lui consa-crer prochainement. Constatons ici qu’il a joué la difficulté, et qu’il a gagné, une fois de plus. Pour la bonne bouche, nous avons conservé un petit salon d’André Groult, une des plus belles réussites de cette exposition. André Grouit est un artiste discret, qui ne se prodigue guère. Il lui serait facile de cueillir des lauriers à tout coup. Mais son beau talent, consacré de longue date n’a-t-il pas remis en vogue le galuchat. le parchemin et suscité autrefois des disciples aussi brillants qu’André Mare? Son beau talent est difficile pour lui-même. Il n’accepte de se manifester que si ce peut être d’une manière éclatante. Ainsi en cette année où il a accompli le tour de force de com-poser uniquement une pièce avec du papier paille. Oui, dans ce petit salon, les murs, les meubles, les sièges sont uniquement revêtus de cette matière si fraîche, si chatoyante et si personnelle. Au premier abord, on regarde et l’on ne comprend pas. On est séduit par une lumière douce et tranquille, par des reflets nombreux et discrets. On regarde plus attentivement, et là où l’on croyait voir mille choses, on n’en découvre qu’une, mais si diverse, si chaude, si géné-reuse ! Assurément, ce n’est ni vous ni nous qui pourrions tirer de cette matière de tels effets. Il y faut le talent d’un L’ART VIVANT maître, et sans doute plus que du talent. Il y faut l’invention des formes, la science des volumes, la connaissance des compléments de certaines étoffes. Mais tout cela étant réalisé, combiné, utilisé dans un style profondément français, il reste que l’ensemble d’André Groult est un des clous de ce salon, et qu’ils auront bien de la chance ceux qui se réuniront plus tard, peu nombreux, diserts et sages, dans cette pièce charmante et spirituelle. Il resterait peut-être quelques ensembles à nommer, dont tous ne manquent pas de qualités, notamment une chambre d’homme de Kohlmann (sa chambre de dame, recouverte de Mongolie frisée, fait penser à un gratin de macaroni prêt à passer au four), ou encore le salon de thé de Siclis, d’un parfait mauvais goût. Mais nous pensons avoir le droit de choisir, et même de négliger. Parmi les meubles isolés, nous signalerons une chose admirable de Bernel, qui ne figure pas au catalogue, toujours fichu comme quatre sous. C’est une pièce très originale, destinée à des bijoux, à quelques objets précieux, éclairée par la partie supérieure, nantie de fins petits tiroirs, à la fois discrète et éclatante. Nous n’en avons jamais vu la pareille et tenons à féliciter vivement son auteur. On l’a bien entendu, fort mal placée, ainsi qu’un charmant bureau en rosier de chine et métal de Mlle Suzanne Lefèvre. On n’est pas toujours très juste ni très galant, au Salon des Décorateurs. .** La céramique joue toujours un grand rôle dans cette Exposition. C’est le plus important de tous les arts mineurs qui sont, au surplus, les plus anciens, les plus significatifs, les plus durables de tous les arts. Nous retrouvons là des oeuvres d’artistes dont nous avons souvent entretenu nos lecteurs. Les uns poursuivent leur belle carrière en accomplissant de nouveaux progrès : Mayodon le somptueux ; Besnard qui expose enfin ses figures de poterie, touchantes et fines ; Buthaud qui vient à la couleur et qui n’a pas fini de nous surprendre ; Décorchemont, le maître de la pâte de verre, qui présente deux pièces sculp-tées, un poisson et une plaque, d’une étrange beauté ; Serré avec des grès bruts saisissants; Mme Ariès Thiébaut, Mme Luc Land, Guillard, Jaeglé, Mme Dem, qui ne mentent pas à leurs promesses. Cazaux pourrait faire beaucoup mieux, Kohler s’efforce avec un certain bonheur. Mais il y a quelques nouveautés réelles qui méritent une citation spéciale. C’est Mme Suzanne Alexandre, d’une part, Jeanne Soubourou, d’une autre, qui, dans la faience ou la porcelaine, font paraître des dons pleins de promesses. Puis il faut noter deux pièces monumentales : la fontaine de Jean Gauguin et celle d’Edouard Bourdet. Jean Gauguin porte allègrement un grand nom. Sa fon-taine de faience stannifère commande l’admiration. Quant à Eugène Bourdet, il a fait exécuter par les établissements Gentil et Bourdet, dont la renommée est universelle, le plus étonnant travail de grès flammé, grès d’or et d’argent, mosaique de Venise et de glaces. Rien de comparable, à notre connaissance, n’avait jamais été fait, et les spécialistes, comme les profanes, sont unanimes à y donner leurs louanges. Peut-être nous ferons-nous blâmer par certains en féli-citant les Faïenceries de Quimper de leurs vitrines. Mais il nous paraît indispensable que les manufactures de céra-miques continuent leur effort, et nulle n’en accomplit qui leur puissent être comparés. MM. Henriot et fils éditent avec raison et goût les oeuvres de Jules Henriot, de Mathurin Méheut, de Maryvonne Méheut, d’Annie Mouroux, etc… Cet art de large diffusion a ses vertus et sa grandeur. Il trouve parfaitement sa place au Salon des Décorateurs. Au surplus, y a-t-il à côté quelque chose qui dépasse la valeur de la « Troménie e de Mathurin Méheut, en dehors des beaux grès sculptés de Soudbinine? Enfin, n’oublions pas de signaler les carreaux rustiques en grès cérame, aux très belles couleurs, d’André Balld 47′)