L’ART ET LES ARTISTES fut signée en 1577. La voilà donc bien établie, la date initiale de la carrière espagnole du mystérieux artiste. Né en 1547, il mourut en 1614, et, pendant trente-sept ans, il travailla sans relâche, à l’oeuvre considérable qu’il a laissée, oeuvre très inégale, parfois d’une impressionnante beauté, souvent d’une étrangeté déconcertante, mais qui lui assigne cependant une place d’honneur clans l’Ecole de peinture espagnole, bien au-dessous du trône radieux de Velasquez, disons-le bien vite, mais à côté de Zurbaran (ce grand artiste), de Ribera et de Valdès, avec un don plus aigu et plus personnel de caracté-ristique spirituelle. .*. Sur sa manière de vivre, les renseigne-ments sont des plu. rares. Sa laborieuse existence s’écoula, sans doute, loin du bruit du monde, dans le calme des sacristies et des cellules des cou-vents, et dans la mai-son solitaire, bizarre construction élevée sur des souterrains qui, d’après la tradition, abritèrent l’or des ban-quiers juifs de Pierre le Cruel. Elle se dresse, non loin de San Pan de los Reyes, sur une petite éminence qui domine le Tage et les bains de Id Cava. Uns gentilhomme espagnol, asti éclairé des arts et admirateur pas-sionne du Greco, le marquis de la Vega Inclan, a réussi, au prix de très lourds sacrifices, à dégager cette demeure sacrée des décombres qui l’enva-hissaient et à lui restituer, à l’aide des plus intel-ligentes et des plus discrètes restaurations, sa physionomie d’autrefois. Avec ses vieux balcons de bois soutenus par de légères colonnes de marbre blanc enguirlandées de lierre, avec ses clairs patios, ses terrasses en fleurs, ses couloirs pleins d’ombre fraîche, ses azulejos aux chaudes arabesques, ses toits de briques, artis-tiquement déprimés, l’auguste maison revit, sin-gulièrement évocatrice, et le visiteur, transporté à travers les siècles, dans ce cadre de recueillement, s’attend, à tout moment, à voir apparaître, dans la lumière d’une porte brusquement ouverte, la fine et pâle silhouette du Greco. De bonnes peintures de vieux peintres espagnols, de Carrero, de MU1107., de Pereda, de Claudio et de Sanchez Coello, de Zurbaran, de Murillo, de Mazo, du Greco lui-même, rte Palomino…, des spécimens très précieux de la céramique mozarabe, éclairent les murs des chambres et des corridors. Les terrasses étagées de la jolie demeure ressuscitée semblent de vastes corbeilles éternellement fleu-ries pour la gloire du Maitre. Mais le culte du marquis de la Vega pour le Greco ne s’est pas seulement mani-festé dans la reconsti-tution de la maison du grand artiste. Il a en-core voulu, et on ne petit que l’en féliciter, doter la ville de To-lède d’uns musée où certaines oeuvres du peintre, sauvées d’une destructions certaine, pussent trouver un sûr et définitif refuge en attendant le jour où d’autres peintures, obéissant à une direc-tions providentielle, viendraient augmen-ter le nombre des glo-rieuses épaves. C’est ainsi que dix-neuf toiles, parmi lesquelles quatre por-traits, une vue générale de Tolède, deux figures du Christ et les images des douze apôtres, peintures très significatives de la dernière manière, parents passer de l’église Santiago, propriété de l’Etat, dans le nausée cons-truit par le marquis de la Vega, à l’aide de précieux matériaux provenant des ruines d’un palais de la Renaissance. Il était de toute urgence de retirer ces toiles, la plupart dans un triste état de conservation, de l’église Santiago, ouverte, de tous côtés, aux injures de l’air. De la vieille église, elles firent une courte halte dans un bâtiment municipal, puis émigrèrent dans le musée provincial qui, lui aussi, menaçait chaque PORTE D’ENTRÉE DU MUSÉE DU GRECO 122