L’ART DÉCORATIF gonard et de Debucourt, tyrannisée par trois siècles de néo-italianisme, une délivrance, en un mot, ■, des Grecs et des Romains o. Ce point de vue là, c’est la synthèse de l’impressionnisme. et cette synthèse ne pouvait être faite que tout récemment ; il apparaitra de plus en plus que M. Renoir la portait en lui plus complètement peut-être, dès l’o-rigine, que tous ses compagnons, avec moins de perfection dans ses diverses parties, mais d’une façon plus complexe et plus générale dans l’ensemble, un peu comme Besnard dans la génération suivante. On peut penser que d’autres allèrent plus loin dans le paysage, dans le nu, dans le modernisme: mais par la réunion de ces efforts parallèles, M. Renoir restera devant l’avenir le plus représentatif des impressionnistes dans leur visée comme dans leur technique. Son œuvre, seule sauvée, suffitait à l’attestation du groupe entier. L’oeuvre de M. Auguste Renoir s’étend sans interruption sur quarante années fécondes, et s’il en était fait une exposition d’ensemble, le public resterait stupéfait devant ce prestigieux amoncellement d’oeuvres dont des centaines sont considérables et dont aucune n’est négli-geable. L’artiste s’abstenant des Salons, autant à l’époque où on l’en excluait qu’à celle-ci où une place d’honneur l’y attendrait, le public n’a pu qu’imparfaitement suivre, par des visites aux galeries de M. Durand-Ruel, l’éclairé et intuitif protecteur de l’impres-sionnisme, l’évolution incessante de M. Renoir. Lentrée du legs Caillebotte au Musée du Luxembourg, où brillent sous cette signature deux admirables chefs-d’oeuvre, la Balançoire et le Moulin de la Galette, a révélé le peintre à beaucoup de personnes qui ne savaient de lui qu’un nom respecté, et M. Renoir appa-rait là, dans une collection formée avant l’époque des vraies grandes œuvres impres-sionnistes, parmi bien des ébauches pro-metteuses, comme le plus homogène des maîtres représentés, plus que Monet, plus que Manet, et meme que M. Degas. On les y pressent, plus qu’on ne les y juge ; on y voit M. Renoir à peu près tout entier. Mais nous serons presque confus de reconnaître que les illustration jointes à ce texte par l’o-bligeance de M. Durand-Ruel seront une révélation pour le public non familier des petites expositions de la rue Laffitte, où tant de jeunes gens se sont assidûment initiés à l’art contemporain que le Luxembourg repré-sente encore si mal. Dans le noble tableau de M. Fantin-Latour, Hommage à Manet, qu’on voit au meme Musée, parmi les artistes ou critiques groupés derrière le maitre assis à son che-valet, auprès de Claude Monet, de Bazille, de Zola, de Bracquemond et de Duranty, un jeune homme est debout, vécu d’un mac-farlane noir et coiffé d’un feutre noir, sa tête est maigre, avec un profil de chèvre, des yeux fins à demi-clos, une expression de sensualité subtile, de modestie un peu fa-rouche, de réticence, de caprice et de mé-lancolique nervosité. Ce jeune homme, pro-fondément défini là par l’art psychologique de M. Fantin-Latour, grand perspicace et grand rêveur, c’est M. Renoir; et il est presque tel encore, avec le même caractère qui l’a tenu éloigné de toute mondanité au point qu’on se demande comment la Légion d’hon-neur, méme si tardivement, a pensé à lui plutôt qu’à Monet ou à Degas, complétant avec lui un trio de solitaires. Si l’on osait créer des divisions dans son œuvre, qui a touché à presque tous les genres, portraits, nudités, fleurs, paysages, scènes de genre, on pourrait peut-être les chercher dans sa technique plus raisonnablement que dans ses sujets, qu’il a constamment intervertis selon son caprice, et en reconnaître trois principales. La plus ancienne le montre épris d’une facture lisse, où le couteau à palette remplace constamment le pinceau, et qui est celle des Baigneuses, dont M. Jacques Blanche possède un admirable témoignage, le plus complet de cette nombreuse série. Et tout de suite, devant cette facture, s’impose l’idée du retour à la tradition française. C’est à Boucher qu’on songe invinciblement devant cet impressionniste honni, traité de barbare, de dénient, d’audacieux mystificateur par les gazetiers et les peintres académiques d’il y a trente-cinq ans. C’est à Boucher que se réfèrent ces chairs riantes et polies, ces atti-tudes vives, ces modelés d’émail cernés par des linéaments sobres, cet éclat net et doux, cette précision un peu sèche des traits réagis-sant sur cette pâte grasse, ce contraste de tonalités excluant presque les ombres, cette façon de répandre partout la lumière sans l’amener progressivement sur un seul point par le mystère des demi-jours. C’est à 176 FIND ART DOC