L’A R T DÉCORATIF cherchent à développer. Quel est le professeur qui oserait chez nous laisser à ses élèves une liberté relative, et les orienter vers des formes nouvelles? Mais pénétrons plus avant dans l’Exposition. Nous y noterons d’abord les illustrations de livres, qui sont cette année particulièrement charmantes et ois ces artistes se révèlent sous le jour le plus intérèssant. Deux éléments nous y séduisent: l’art de la composition et tille science approfondie du dessin. Il faut recon-naître en effet que l’enseignement du dessin est beaucoup plus poussé en Angleterre que chez nous, et cela est tellement vrai, que lorsqu’un artiste comme Spicer-Simson, par exemple, vient se fixer parmi nous, il est aussitôt très remarqué, à cause même de cette technique qui nous manque trop souvent. Les projets de vitraux ne se maintiennent pas à la même hauteur. Ils ne me paraissent pas toujours compris dans un sens assez large-ment et simplement décoratif et nous assistons trop souvent à des complications par trop inutiles. Du reste la réussite d’un vitrail dépend telle-ment de la matière dans laquelle il sera exécuté, qu’il est difficile de se faire d’après un simple dessin une idée exacte de ce que sera l’oeuvre définitive. Quelques projets de meubles sont à retenir. M. George Ellwood, de Holloway, que nous avions déjà remarqué ers t897 nous donne des projets très poussés, et pleins de trouvailles heureuses pour une chambre. J’aime beaucoup aussi le dessin d’armoire de M. Sydney Cooper qui est peut être un peu rudimentaire, mais d’une heureuse construction. On le sent établi cousisse un vigoureux morceau d’architecture, et c’est pourquoi nous lui pardonnerons peut être sa trop excessive simplicité. Deux élèves de South-Kensington, MM. Duxbury et Theaker se sont attaqués avec habilité à des décorations pour un piano ; et il faut leur savoir gré de transformer ainsi pour le plaisir des veux le décor du piano, trop souvent négligé. Je ne me souviens pas en effet avoir vu cette année au Salon une seule tentative dans ce sens; et c’est grand dommage. Mais revenons à la National Competition. Il est une critique qu’ors ne manquera pas de faire à une exposition comme celle-ci, de même qu’on pourrait la formuler au sujet de l’ex-position des travaux de l’Ecole Guérin : la plupart des élèves ne nous montrent que des dessins. Or, devant ces dessins, si habiles qu’ils soient, ne sommes-nous pas portés à craindre que les exposants, si parfaitement à l’aise devant une surface plane, ne réussissant pas dans le relief? Même avec M. Svdney 60 Turner ou M. Ellwood (quoique nous nous trouvions là devant de très parfaits craftsmen), on peut se demander avec quelque hésitation si l’exécution sera à la hauteur du projet. L’esthétique, réalisée dans certaines de ces études, n est pas tout; nous avons le droit de demander autre clause encore à un meuble usuel, et il ne sera vraiment complet que lorsque ce double but sera atteint. De là le sentiment d’indécision que nous éprouvons à juger certains envois. Par contre, notre critique ffusparait devant d’autres, car la National Competitiun contient dans d’antres domaines de Part appliqué des oeuvres achevées. Tels, par exemple un certain nombre de bonnes tapisseries, d’une facture très serrée, et des papiers peints d’un décor souvent trop natura-liste, parmi lesquels ceux de Ernest H. Simpson (de Leeds) et de M. Frederick Brown (de Chelsea). Beaucoup de jeunes artistes anglais se sont efforcés de nous donner des formes nouvelles d’objets usuels trop longtemps méprisés, theières, cafetières, cuillers etc., effort louable que l’on ne saturait assez encourager. Miss Pemberton (New Cross) a exposé des boutons d’une jolie qualité d’émail; M. F. G. Wood donne une coupe pour un prix de Enot-Ball qui tranche assez heureusement avec le banal objet d’art du genre. De M. William Batchelor nous avons un bon miroir sculpté; de Miss Dorothy Smith (Glasgow) des bas reliefs; de M. Bert Alvey des panneaux peints célébrant la légende de Pelléas et de Merlin. Tous ceux qui ont parcouru avec quelque curiosité la National Competition n’auront cer-tainement pas manqué de constater quelle sen-sation d’ensemble, d’effort général se dégage de ce tout, et c’est là le bénéfice que nous pourrions tirer en France d’expositions comme celles-là, si nous savions nous assimiler ce qu’il y a de bon chez nos voisins, et regarder de plus près cette organisation intelligente et puis-sante des écoles d’Art du Royaume-Uni. Certes nous avons chez nous des personnalités que nous pourrions opposer avec succès à celles de nos voisins. Malheureusement les efforts de ceux-ci sont trop disséminés. En Angleterre le gouver-nement les soutiendrait, songerait à les utiliser pour l’enseignement certaines de ces forces. Citez nous on les ignore pour ne placer bien souvent dans nos écoles d’art que les plus tristes nullités. Mais qu’importe! L’évolution s’accomplira quant même, par ce qu’elle doit s’accomplir. ‘rôt ou tard il faudra bien que l’on admette officiellement l’art décoratif moderne dans ce qu’il a de meilleur. Nons ne demandons pas autre chose. HENRI PR Aure