6 ART ET DÉCORATION Tissus. par HÉLÈNE HENRY collaborateur obscur d’une oeuvre collec-tive destinée à être répandue à des mil-liers d’exemplaires. Désormais, chaque fois que nous aurons à faire l’éloge d’une pièce unique, d’un chef-d’oeuvre signé, nous devrons nous deman-der si l’auteur, en y mettant sa patience ou son génie, en voulant surtout en garder la propriété morale et en refusant de le laisser vulgariser par une reproduction industrielle, fait preuve d’une mentalité rétrograde ou, au contraire, affirme un idéal artistique supérieur à celui du Werkbund. Comment ne pas nous poser cette ques-tion en nous disposant à parler de l’oeuvre d’Hélène Henry? Loin de chercher à faire en série des ouvrages jusqu’ici produits isolément, cette artiste consacre sa vie à appliquer les anciens procédés de l’artisanat à une des industries depuis le plus longtemps sou-mises aux méthodes du grand machinisme: l’industrie des tissus. La façon même dont elle fut amenée A s’y adonner est une conséquence directe de la manière dont on a compris jusqu’à pré-sent l’art décoratif en France. Quand les ar-tistes, qui avaient entre-pris de ne pas laisser l’école de Munich nous supplanter, purent reprendre librement leurs travaux après la guerre, ils eurent vite fait de comprendre que, pour réaliser un ameu-blement d’une parfaite unité, il était nécessaire de n’y rien faire entrer qui ne fut exécuté spé-cialement A cette fin. Ebénisterie, cérami-que, ferronnerie étaient aux mains d’entrepre-neurs capables d’obte-nir encore de leurs ouvriers des ouvrages sur commande. Mais il n’en allait pas de même du tissage. Comment demander à un soyeux de Lyon ou A un fabricant du Nord d’arrêter un instant ses immenses métiers métalliques, d’où sortaient, chaque jour, des centaines de mètres d’étoffe, pour tisser une portière ou un dessus de divan conçus pour un intérieur unique? Où trouver le vieux tisserand qui, sur son métier A pédale, consentirait à faire ce travail d’un autre âge? Le vieux tisserand se présenta sous la forme d’une charmante jeune femme —qui s’appelait Hélène Henry —. Comme beaucoup d’artistes de cette époque, qui ne craignirent pas d’abandonner le tire-ligne ou le chevalet pour relever l’art décoratif, Mme Hélène Henry avait, depuis peu, délaissé la peinture pour faire des essais sur un petit métier à main. Son premier