L’ART DÉCORATIF teur la plus haute tension de l’émotion tout le long de la pièce; il fait succéder les scènes re-posantes aux scènes pathétiques. De même le musicien. L’admirable duo de Tristan et Yseull, qui se prolonge pendant un acte presque en-tier, dépasse la capacité d’attention de la grande majorité des auditeurs. Nous le faisons durer quatre actes quand nous couvrons tout de motifs décoratifs dans un appartement. Dès qu’on a voulu composer des intérieurs moins conventionnels et mieux compris, on a senti qu’il fallait éliminer la décoration du leur donner toutes sortes de directions et de courbures. Et c’est ainsi que, parti d’une idée juste, on est arrivé à la chose la plus fausse du monde : à ces meubles.squelettes dans lesquels plus rien des formes naturelles ne subsiste et où, sous prétexte de construction, l’on nous montre tout ce qui peut s’imaginer de plus contraire à la saine construction une forêt de pièces de bois effarant l’oeil de leur enchevêtre. ment. C’est ce qu’on a nommé le modern styl. Et comme c’est par les mots que se forme l’opi. nion d’une foule de gens, celui-ci a eu pour ré-CH. PLUMET ET TONY SELbIHRSHEIM meuble et la concentrer sur les surfaces mu-rales. On s’est alors trouvé en face de la grande difficulté de composition de l’intérieur moderne : celle de faire des meubles intéressants par eux. mêmes et non par les artifices de décoration. Les fausses manoeuvres dans la lutte contre cette difficulté ont alors conduit à d’autres er-reurs. Pour se passer des artifices décoratifs, des artistes se sont dit qu’il fallait renforcer l’intérêt de la construction du meuble; partant de la, ils se sont ingéniés à changer les lignes de ses organes, à en ajouter de nouvelles, multiplier les entretoises, les arcs.boutants, COIN LIE SALON sultat de discréditer en bloc tous les efforts tentés dans le but de faire sortir les arts indus-triels de la routine. Le bon paie pour le mau-vais. En résumé, du moment qu’on entend l’inté-rieur autrement que comme l’entassement, au hasard, d’objets qui se nuisent les uns aux autres, parce que tous veulent intéresser de la même manière et par les mêmes moyens —qu’on y introduit l’ordre, les valeurs, l’harmo-nie — qu’on cherche à y restituer au meuble son véritable caractère, c’est-à-dire celui d’objet usuel et non celui d’objet décoratif — qu’on 106