LA PEINTURE 57 l’atelier où le maitre lui a transmis les procédés techniques, le compagnon, léger d’argent et plein de riants espoirs, s’en va par le monde. Les chantiers de nos cathédrales gothiques attirent, de tous les pays d’Europe, des artistes qui rapporteront chez eux le bénéfice des leçons reçues et des exemples suivis. Selon que l’art prime dans tel ou tel pays, il se produit des courants d’émigration en des sens divers. Les centres d’attraction se déplacent d’un siècle à l’autre; — mais, grâce à ces continuels échanges, les idées se répandent, les influences se font sentir à toute distance. Nulle découverte ne reste localisée ; en peu de temps, elle devient le bien de tous. Ainsi, quand les Van Eyck ont trouvé des moyens nouveaux d’exprimer la vie par la couleur, de Cologne et de Mayence, de Wurzbourg et de Nuremberg, les apprentis allemands, et non seulement les peintres, mais les orfèvres et les sculpteurs affluent vers les Pays-Bas, vers Gand et vers Bruges, et viennent achever leur éducation près des grands maîtres néerlan-dais. C’est que la Flandre alors détient le secret de l’art. Tech-nique, inspiration , tout y est plus haut qu’ailleurs. Un demi-siècle plus tard , les proportions sont renversées . Ce sont les Flamands et les Germains qui passent les monts à leur tour, non plus comme des initiateurs, mais comme des disciples. Le courant qui portait du Sud au Nord reflue maintenant du Nord au Sud. Le père de Dürer avait descendu le Rhin ; Dürer, lui, va bien sans doute à Bâle et à Colmar, peut-être même à Bruges, mais il va surtout à Venise. Mantegna l’attire autant et plus que Schfingauer. Et dès lors la route est tracée que suivent tant d’artistes allemands, flamands et hollandais, pas toujours à vrai dire pour le mieux de leur production personnelle et de l’art national. Mais il n’est point à craindre aujourd’hui qu’un artiste français soit tenté de se déraciner et de perdre à l’étranger le sentiment de ses origines. Le foyer le plus intense de production et de décou-vertes est encore chez nous. Et ce serait peut-être une raison pour n’en point sortir, et pour s’implanter fortement dans la terre mater-