OCTOBRE 1899 en temps, aux heures d’ennui, pour se donner quelques instants d’exercice en chambre, plutôt physique. Je laisse de côté le pire cas, com-mun dans la petite bourgeoisie: l’odieuse petite bécasse infligeant deux fois par jour à toute la maison — une demi-heure chaque fois — la première phrase d’une valse de M. Waldteufel, ressassée sur l’accord do, mi, sol, le seul dont elle soupçonne l’existence. Il existe un monde où les cerveaux résistent à ces choses-là.• Heureux cerveaux! Nous voici donc conduits à la conclusion bi-zarre, mais non déraisonnable après ce qui pré-cède, qu’il faudrait faire deux sortes de pianos. Les uns, à clavier découvert, pour ceux à l’esprit de qui le piano représente quelque chose; d’autres, à clavier enfermé, pour les personnes qui ne l’ont chez elles que pour la forme, ou comme accessoire sans conséquence. Pour celles-ci, plus l’accès du clavier sera difficile, mieux celà vau-dra. Dans maints cas, l’idéal serait de le garnir de piques, et d’en défendre l’approche par un pont-levis. Est-ce la peine de répondre à l’objection de la poussière se glissant sous le clavier? Re-tirez, au bout de deux ou trois ans, quelques touches d’un piano resté fermé tout ce temps, et vous verrez. Quelques flocons de plus ou de moins, cela n’a pas d’importance; d’ailleurs démonter le clavier de loin en loin pour passer le chiffon sur la table est l’affaire d’un quart d’heure. Sans rechercher ce que pourraient être les formes d’un meuble de piano, je me contenterai d’exprimer quelqu’étonnement de ce que per-sonne en France n’aie tenté jusqu’ici la moindre chose à ce sujet — a ma connaissance du moins. En Angleterre, quelques artistes ont essayé. M. Voisey, qui fut le premier, je crois, n’a pas été heureux. La principale particularité de son meuble était le prolongement des piliers supportant la table bien au-dessus de celle-ci, en manière de porte-lampes; ce n’était guère pratique, et l’originalité cherchée par cet étrange moyen était bien artificielle. M. Baillie Scott, un architecte dont certaines oeuvres me plaisent infiniment par le naturel dans lequel l’auteur s’est retrempé, et dont un de nos rédacteurs parle longuement dans ce numéro, en a fait un tout bonnement abominable; on croirait un garde-manger. Le clavier et la caisse du mécanisme sont enfermés dans une grande armoire, dont on ouvre la porte à deux battants pour jouer; le pianiste s’assied entre ceux-ci. Celà doit lui faire l’effet de jouer dans un placard. Le piano exposé aux «Arts and Crafts» par M. Walter Cave était mieux, sans être excellent; l’auteur avait assez maladroitement accusé la membrure 7 sur la forme habituelle, tuais les piliers de la table étaient d’un bon dessin. En somme, l’Angleterre n’a rien fait de très-heureux. L’Allemagne a mieux réussi. Un piano de M. Riemerschmid, qu’un fabricant exécute au prix moyen ordinaire et que nous reproduisons, est dessiné avec une incontestable sagacité, un sens parfait des convenances, et non sans une male élégance. Il est exempt de la lourdeur habituelle aux productions alle-mandes. Nous voilà déjà loin de la platitude du piano classique; cependant, pour juger le meuble de M. Riemerschmid, il faudrait l’avoir vu, connaître l’agencement du pupitre et diffé-rents antres points. Un autre piano allemand, dessiné par M. E. Walter, est beaucoup plus ordinaire. Tel qu’il est, c’est déjà néanmoins un effort vers le mieux ; celà suffit pour l’accueillir d’une critique bien-veillante. Et maintenant, à quand la première tentative française? Allons, Messieurs les dessinateurs, on vous attend. G. M. JACQUES NOS ILLUSTRATIONS Six pages de bijoux qui ne se ressemblent guère. Voici d’abord ceux de M. Van de Velde. M. Van de Velde est le protagoniste et le virtuose le plus extraordinaire du dessin linéaire. D’un système d’inflexions, d’oppositions, de jonctions et de disjonctions de courbes inventé par lui, son imagination, très-réellement puissante en son genre, tire des variantes à l’infini. Il reste à voir comment peut se justifier le parti-pris de réduire en tout l’art décoratif à celà. La théorie a ses partisans; comme on n’est très-sûr de rien dans ce monde, il est possible qu’ils aient raison. On ne sait ces choses que plus tard. Donc, attendons un peu pour être fixés. M. Colonna, esprit moins rigoureux et moins systématique, présente la même thèse sous des dehors plus riants. Avec lui, le linéaire se tempère de concessions qui le rendent acceptable pour ceux qui ne veulent pas rien que celà. Il nous montre le principe mitigé, adroitement servi, et comme il faut au Français, par un bon dessinateur doublé d’un homme de goût. Celà lui a réussi; les bijoux de M. Colonna ont conquis une place enviable dans l’estime d’une portion du public cultivé. Ce qui n’empêche que même avec toute l’adresse de M. Colonna, le genre soit un peu mono-tone à la longue. M. G. Fouquet nous ramène vers un ordre d’idées plus familier. Nous retrouvons le feuillage, la fleur, l’image de la femme; il ne FIN ART DOC