actuelle, l’occasion de voir une telle réussite. Car, parce qu’il est totalement effacé derrière sen art, Soto est vraiment une réussie. On en venait à croire que ce n’était plus possible. Et cependant, Soto est devenu un grand artiste sans rien prendre à l’extérieur pour faire valoir son talent ; il ne s’est jamais présenté non plus comme un chef d’école. S’il est devenu ce qu’il est maintenant, c’est sans essayer de se placer au-dessus de son mérite, mais par des approxi-mations qui, depuis vingt ans, en font un exemple de bonheur dans la conscience artistique. La per-sévérance dans un chemin somme toute très difficile pendant dix ans de tachisme et cinq ans de pop art lui aura valu d’avoir égalé, si ce n’est dépassé, des réputations que l’on croyait insur-montables. Cela se voit clairement à Venise, en dépit d’une concurrence qui ne doit pas être sous-estimée. La Biennale de 1966 montre une variété et une vitalité qui la place au nombre des bonnes expo-siti.:ns organisées par cette ville. Et pourtant, malgré les confirmations qu’on a pu y trouver (au pavillon français et au pavillon italien notamment), en face des découvertes re-marquables qu’offraient le pavillon allemand et le pavillon autrichien, en dépit des sélections exceptionnelles de la Belgique, de la Hollande et de l’Espagne, on pouvait éprouver dans la salle de Sotc, la force majeure du sublime. La pureté quasi graphique de ses sculptures, le jeu plein de finesse que toutes ses lignes jouent entre elles, l’exactitude collée à la sensibilité, la discrétion au service de la beauté, c’était ce qu’on pouvait voir et qui était sans égal. Un sculpteur ? Un peintre ? Qui peut le dire ? Certainement un Mallarmé au-delà des mots. Julien ALVARD. La figuration narrative à Venise. Dans le contexte de la nouvelle imagerie, les peintres narratifs ont été nombreux cette année à Venise, dans le cadre de la Biennale comme dans les manifestations annexes. Ils ont illustré de façon éloquente le problème de la réintroduc-tion du temps selon les catégories narratives que nous avions proposées lors de l’exposition d’octo-bre 1965. Fahlstrom a occupé l’intégralité du pavillon suédois, avec des œuvres portant sur une dizaine d’années, qui montrent l’antériorité de ses options sur la plupart des artistes de la nouvelle imagerie et du Pop-Art. Cependant, si les encres de 1960 atteignent à une densité extraordinaire et si l’introduction du comic strip est déjà manifeste avec Krazy Cat, Fahlstrom donne vraiment toute sa mesure dans les pre-mières toiles cloisonnées de 1962 (Sitting, etc.), dans les montages magnétiques du planétarium et dans la mise en scène ensembliste des figu-rines spatiales de Sylvie et de The cold war. Fahlstrom est un pionnier des Mythologies Quo-tidiennes, dont l’importance a été confirmée de façon éclatante à Venise, malgré l’incompréhen-sion du jury qui a oublié de lui décerner une distinction méritée. La moitié du pavillon autri-chien était occupée par l’étrange ensembliste Curt Stenvert, qui propose, à l’aide d’objets pos-tiches, de mannequins, de fleurs artificielles, une mise en situation symbolique de la condition hu-maine. Soutenu par des textes délirants, agressifs, l’univers de Stenvert pose ses images-chocs, ses vitrines démoniaques, son ensorcellement de figu-res faussement conventionnelles. Il a provoqué l’un des malaises salutaires de la Biennale. Dans le pavillon du Japon, Masuo Ikeda a obtenu le Grand Prix de Gravure, avec une série d’ceuvres très acides, de facture très occidentale, d’un trait goguenard, mollement provocateur. La nar-ration ici se fait par séquences successives, alors qu’elle s’opérait chez Stenvert par juxtaposition d’objets. Dans le pavillon italien, les intéressants panneaux coulissants de Laura Grisi, les person-nages en mutation d’Umberto Bignardi, le réa-lisme moqueur de Bruno Caruso présentent des options narratives très convaincantes, alors que Franco Gentilini reprend la formule de Berni, en racontant de toile en toile, en une narration par épisodes, les aventures d’Hippolyte arrivant dans la grande ville. Le métier reste d’une certaine convention réaliste et n’atteint jamais à la puis-sance de Berni. C’est une narration un peu oppor-tuniste, non sans charme, dont nous retrouvons certains aspects chez le Péruvien Jorge Piqueras. Chez lui, la synthèse des styles, l’utilisation des itinéraires intérieurs, indiqués par des jeux de flèches, le savant dosage de tachisme ou de figu-ration réaliste ne manquent pas d’une réelle aisance ni d’un sens saisissant de l’instantané. Au pavillon espagnol, Genoves a fait une très forte impression avec ses « foules ». En uti-lisant une technique spéciale, qui lui permet la répétition de certaines postures, ce peintre est arrivé à donner la sensation de la mutation verti-gineuse des groupes humains, dans un climat dramatique de guerre civile et d’émeute qui est bien un thème espagnol. C’est un peintre chez qui la force obsessionnelle s’allie à la conviction des moyens. En dehors de la Biennale de Venise, un groupe de jeunes peintres a organisé le Salone Inter-nazionale dei Giovani, qui comportait Aillaud et Arroyo, dont le rôle dans l’avènement d’une nou-velle narration est fort connu, ainsi que les sé-quences de Fabrizio Plessi, les juxtapositions de Pardi et de Filippi, ainsi que les cloisonnés de Daniele Baroni. A la Fenice, la galerie Attico expo-sait les montages électriques de Bignardi et les toiles de Télémaque et d’Adami. Quant à la ga-lerie Zéro de Vérone, avec le groupe du même nom, elle nous donnait une manifestation particu-lière. Elle venait de montrer les compositions d’Antonio Fomez, artiste sympathique, qui cher-che, avec des moyens encore assez maladroits, une démystification des symboles et des images clefs de notre civilisation. Gérald GASSIOT-TALABOT. La Biennale de Venise ? Fahlstrôni. …Trop ou trop peu d’ceuvres d’art, des pays inexistants, des prix, des affaires, des coulisses, de la chaleur — la Biennale. Un mythe rongé par les mites. (Quelle Biennale osera transformer des structures d’information remontant au XIX• siècle ? Celle de Venise, celle de Sao Paulo, celle de Paris ?) Etienne-Martin versus Jacobsen : match nul. Sage solution historique. Le Parc, grand prix de peinture : éclat définitif d’un concept de peinture. Eclat un peu trop facile, tout de même… (Mais où sont-ils, les « peintres-peintres » de naguère ?) Fontana, prix national : vive l’Italie ! (Viani ? Oh ! non. Arp, lui, n’a jamais mis de nombrils sur ses sculptures.) Raysse, pour « faire moderne » dans le pavil-lon français. (» Donatello dans la cage aux tau ves » ou « Etienne-Martin place Pigalle ».) Un inventaire ? Gunter Haese, Gabino, Camargo, Soto, Andréou, Perez, Peverelli, Richard Smith, Fran-kenthaler, Kelly, Ay-ô, Lichtenstein, Piza, Otero, Genovés, le vieux ltten du Bauhaus. Et Boccioni — cela va sans dire. Reste Fahlstrom — et c’est un solde positif. La démarche imagétique de ce jeune peintre suédois vient d’atteindre un état dont on ne sau rait trop souligner l’importance. Depuis longtemps la possibilité de faire bouger les éléments icono-graphiques de ses compositions aux coordonnées narratives absurdes constituait une donnée esthé tique importante. La mobilité de la composition situait celle-ci sur un plan autre que celui de la toile, altérant profondément la définition du champ figuratif. Au-delà des deux dimensions physiques proposées il fallait pourtant créer une troisième dimension non seulement physique mais spectaculaire. Les éléments déjà découpés sauten, de la toile et se disséminent dans un espace qui est celui de la praxis, c’est-a-dire celui du spec-tateur. La toile disparaît : elle n’est plus qu’un endroit hypothétique, fond inexistant, support inu-tile d’une action dont les acteurs ont pris la clé des champs. La valeur substantive du tableau en tant qu’objet-relais (au contraire de ce qui se passe chez Le Parc) n’est pourtant pas annulée : le tableau, détruit, renié, garde ses propriétés imagétiques — qui absorbent les propriétés phy-siques du spectateur lui-même. Celui-ci se pro mène pour la première fois à l’intérieur d’une composition : l’usager est dans le tableau en même temps que le tableau est dans l’usager. Les rapports entre le tableau et le spectateur se trouvent bouleversés, dans le domaine de l’espace aussi bien que dans le domaine du temps. L’am biguïté spatiale, pierre de touche de l’art moderne, s’accorde ainsi avec une ambiguïté temporelle qui complète son rôle, dans une situation commune. C’est avec Oyvind Fahlstrom que la 33′ Bien-nale de Venise acquiert sa signification majeure. Autrement dit : la Biennale, c’est lui ! J.-A. FRANÇA. Lichtenstein. u Wall explcsicn I Fahlstrom. Eddie (Sylvie’s brother) in the de,,ert ._11,111111111111111144 1111:411S11,4 UMM. inunew Fabrizio Plessi. « Produits de série . Curt Stenvert. « Où est exi 3?